Dr. Andrea Zinzani – GDI, L’université de Manchester

Depuis 2015, les Objectifs de développement durable (ODD) ont remplacés les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) afin de renforcer le soutien et la réalisation du développement durable à l’agenda mondial. Les 17 ODD et leurs objectifs ont été inclus dans l’Agenda pour le développement durable de 2030, conçu par les Nations Unies dans le cadre d’un processus délibératif impliquant ses 193 États membres de même que des experts internationaux et la société civile mondiale. Contrairement aux OMD, les ODD doivent être mis en œuvre dans le cadre des planifications de développement national qui reflètent les divers contextes et priorités des différents Etats membres de l’ONU. Toutefois, pour de nombreux pays du  Sud global, la réalisation des ODD représentera un défi complexe, à moins que ces pays s’engagent à produire des plans de développement nationaux ambitieux, crédibles et finançables. Par conséquent, l’analyse et la compréhension des processus de planification et de la façon dont les gouvernements prennent des décisions pour soutenir et atteindre les ODD représentent l’un des principaux objectifs de notre réseau stratégique.

Afin d’analyser les processus de planification et d’initier une réflexion sur la théorisation de la Nouvelle planification nationale, une revue de la littérature sur la théorie de la planification et les débats connexes a eu lieu au cours des dernières décennies. L’analyse a identifié un cadre théorique principal, développé, conceptualisé et débattu au cours des deux dernières décennies, qui a été défini Planification collaborative (PC), ou Rationalité collaborative (Healey 1984, 2003; Brand et Gaffikin, 2007; Innes and Booher, 2015; Goodspeed, 2016). Dans son cadre principal, des contributions complémentaires, en tant que Rationalité de négociation, ont été développées (Neale et Bazerman, 1992). La Planification collaborative a été conceptualisée par Healey depuis les années 1980 et a été reconnue comme le cadre théorique global depuis la fin des années 1990, grâce au travail d’autres chercheurs comme Innes et Boohe. Ils ont reconnu la nécessité d’un changement de théorie de la planification et d’un changement de paradigme de la théorie de la planification globale. Cette dernière fit l’objet de débats depuis les années 1950 en raison de sa logique technique, scientifique et universelle et de sa négligence envers la complexité et l’incertitude actuelle dans la planification et la gouvernance mondiale. Healey, Innes et Booher et d’autres chercheurs soulignent l’importance et la nécessité de soutenir un processus de prise de décision intégrée, collaborative et collective et de gouvernance qui devrait inclure non seulement les acteurs de l’État mais aussi des planificateurs, experts et membres de la société civile et des associations. Ils mettent en évidence la pertinence d’analyser les interactions, les négociations et les processus parmi les différents acteurs, leurs logiques. Avoir une diversité d’acteurs permet de réfléchir et de mettre en lumière leur multiples relations, connaissances et pratiques. Ils proposent cette approche comme la plus pertinente et la plus appropriée pour s’attaquer aux défis actuels et futurs en matière de planification et de gouvernance.

La revue de la littérature montre que, au cours de la dernière décennie, le cadre a été débattu et critiqué par divers chercheurs selon des angles et des perspectives multiples et hétérogènes. Ces contributions ont permis le développement théorique du CP et des échanges fructueux et des débats entre les chercheurs. Différents auteurs suggèrent une réflexion plus approfondie sur le pouvoir, la politique, l’arène politique et le contexte, et plus particulièrement sur les asymétries de pouvoir, la domination et la marginalisation, les conflits, les identités et le pouvoir de la connaissance diverse (Brand et Gaffikin, 2007; Abukhater, 2009 Fischler, 2014). Tandis que d’autres auteurs se concentrent sur les dichotomies suivantes: processus par rapport aux résultats à court terme (processus de négociation de planification) et à long terme (environnement bâti), relation entre l’échelle nationale et l’échelle locale, le rapport entre l’État et les communautés (Innes et Booher, 2015). En ce qui concerne les études de cas empiriques, le CP a été appliqué aux méga régions, à la gouvernance des parcs nationaux, aux quartiers urbains et aux processus décisionnels au niveau communautaire local, dans des contextes nationaux différents tant dans le Nord global et le Sud global. Malgré cette gamme hétérogène de critiques, un tournant de paradigme n’a pas eu lieu, et aujourd’hui le CP représente toujours le cadre général de la théorie de la planification contemporaine.

Par conséquent, pour notre réseau stratégique, il est pertinent de voir comment le CP et les débats connexes pourraient être appliqués à la Nouvelle planification nationale. D’une part, le CP pourrait nous être utile pour réfléchir sur les acteurs impliqués dans la production des PND, leurs politiques, leurs relations de pouvoir et leurs asymétries, leurs identités et leurs connaissances, et sur la manière dont leurs visions et les aspects variés influent sur les processus décisionnels de planification. D’autre part, l’adoption de la CP à l’analyse de la Nouvelle planification nationale contribuerait à débattre du cadre théorique, en raison du manque de recherche dans le CP adoptée dans les contextes nationaux et les processus de plans de développement nationaux.

Cependant, même si la littérature sur la théorie de la planification permet une réflexion sur les processus décisionnels des PND, elle ne nous fournit pas d’outils analytiques pour comprendre et analyser les politiques de mise en œuvre et les résultats des PND à court et à moyen terme vers la réalisation des ODD. Par conséquent, il est pertinent de mettre l’accent sur la théorie de la planification avec l’engagement politique / élite et les cadres de l’État. Au cours des cinq dernières années, ces cadres conceptuels ont été discutés et reconceptualisés par des collègues de GDI et d’autres chercheurs impliqués dans le projet de recherche DED (Développement efficace et durable) (Vom Hau, 2012; Chopra, 2015; Lavers et Hickey, 2015; Lavers , 2016). Le cadre d’engagement politique / élite, développé à l’origine par Brinkerhoff (2000), ainsi que l’analyse budgétaire, sera pertinent pour notre réseau stratégique. Il permettra d’analyser d’une part l’évidence d’un engagement politique dans la production et la mise en œuvre des PND ; d’autre part, de déterminer comment les dépenses publiques et la diffusion des fonds de l’État correspondent aux priorités et aux indicateurs du plan spécifique. Parallèlement, le concept de Capacité de l’État et le cadre analytique développé par Vom Hau (2012) nous permettront de réfléchir et d’analyser la capacité des agences de l’État à fournir des services et à mettre en œuvre des politiques relatives aux PND, en mettant l’accent sur les compétences bureaucratiques, la portée territoriale des liens de l’État et de l’État-société.

Une réflexion critique sur les interactions entre les cadres collaboratifs de planification, l’engagement politique/ la capacité de l’État, combiné d’une part avec l’analyse de contenu des PND, et d’autre part avec les preuves des études de cas de notre pays, nous permettent de comprendre le contexte actuel des voies de développement national en direction du soutien des ODD et leurs réalisations futures.